POUR LE CHANGEMENT

L’aggiornamento des métiers de l’immobilier a commencé


Jamais une époque n’aura été aussi pleine d’envies de changement et de transformation. Nos métiers de conseil en immobilier sont agités, comme tant d’autres professions, par d’intenses spéculations. Mais où peut-on attendre des progrès ? Après avoir, pendant plus de trente ans, écouté et accompagné tous nos métiers, je souhaite partager avec vous mes réflexions en espérant que cela produise des changements.

Article original publié par la revue Office et Culture n°39 - Mars 2016

Carte postale de l’agence immobilière OK et de son propriétaire, vers 1910 (Photo Getty Images)

Carte postale de l’agence immobilière OK et de son propriétaire, vers 1910 (Photo Getty Images)

Je ne définirai pas l’innovation ni le progrès, d’autres ont su très bien le faire, en revanche, je m’attacherai au sentiment, à l’humeur que cela m’inspire. Je crois que chacun aspire à la possibilité de travailler autrement, avec plus de facilité et sans se répéter. Et là doit être la promesse de l’innovation : immédiate et personnelle, ni spectaculaire ni héroïque, mais qui, au quotidien, apporte simplement un supplément de plaisir et de fierté. Les causes de cette situation sont nombreuses ; pour certains, c’est le digital qui en est le principal responsable, pour d’autres c’est la génération Y. Mais pourquoi cette soudaine envie de changement dans notre industrie au demeurant classique et sagement innovante ? Pourquoi maintenant ?

En 1984, quand j’ai démarré dans le métier, l’internationalisation en était à ses premiers balbutiements et se limitait à une collaboration France-Angleterre. Le grand virage eut lieu en 1995, lorsque les Américains « débarquèrent », avec l’expérience de ceux qui venaient de relever de la faillite le secteur des caisses d’épargne (Savings and loans). Tout a basculé le jour où sont apparus, dans les couloirs de notre entreprise, de nouveaux profils, des analystes avec des ordinateurs portables et des feuilles Excel pour paramétrer le marché et identifier l’atome essentiel, le TRI (taux de rendement interne). Innovation forte, sans nul doute. Puis, à partir de 1998, des start-ups nous ont fait miroiter de prometteurs territoires d’efficacité, de travail à distance, de visites dématérialisées… Mais la frilosité de la profession et les débits de l’internet de l’époque, retardèrent la date du grand soir ; toutefois, naissaient les premiers portails immobiliers, qui ont lentement pris leur essor et ont rencontré, depuis une dizaine d’années, le succès qu’on connaît.

Mais l’innovation est restée à la porte de nos métiers. Dans le domaine des outils de production la Suite Office, ici comme ailleurs, a achevé les artisans les plus méritants ; PowerPoint est devenu le burin de tout bon ouvrier ; c’en était fini de la différence et de la personnalisation, l’originalité devenait « copier-coller ». La financiarisation n’a pas, non plus, encouragé l’innovation. Elle a, tout au plus, fait grossir la taille des deals et les volumes, mais la méthode est demeurée la même que quinze ans auparavant. Des mouvements de croissance par acquisition (avec un argent de moins en moins cher) permirent aux plus téméraires de grossir. Mais, là non plus, rien de bien neuf, n’importe quel banquier vous le dirait. Revenons sur le terrain de l’innovation qui, depuis deux ans, est sur toutes les lèvres, à quoi pensons-nous dans nos échanges ? Quelles sont les lumières qui brillent et font tourner les têtes ? Il y a d’abord les entreprises américaines qui ont durablement modifié les règles du jeu, dans la musique, le voyage, celles aussi qui ont fondé les standards de l’Internet et créé un nouveau type de réseaux sociaux.
Lorsqu’on y réfléchit, comment ne pas se sentir submergé par un tel foisonnement d’initiatives dont nos esprits heureux et optimistes ne retiennent que les succès ? Il est donc naturel de penser que tout cela a débordé dans le quotidien de nos métiers ; la maison, par exemple, est devenue un lieu  tellement plus intelligent et smart que le bureau. Elle ressemble à une ferme innovante, avec son cloud, son très très haut débit, ses sensors pour tout mesurer, bref, un environnement digne d’un roman d’anticipation des années 1950. Je comprends que nous devions nous remettre en question sur ces sujets. Nos métiers, nos méthodes vont évoluer, je n’en doute pas. Mais qui sera le plus innovant ? Qui proposera un nouvel équilibre ? Qui aura l’audace de faire naître une nouvelle façon de faire des deals ?

Tous les compartiments semblent ouverts pour que les cartes soient rebattues : le financement des opérations via Internet avec une base de souscription allant du particulier au professionnel ; l’expertise avec des robots évaluateurs qui absorberont et analyseront des milliers de signes ; des réseaux sociaux dédiés à nos métiers qui iront droit au but et permettront d’activer des marques d’intérêts pour des lignes d’investissement qui aujourd’hui passent sous le radar. Le résidentiel demeure une source d’inspiration inépuisable, car il touche le grand public et représente un nombre de transactions cent fois supérieur à celui de l’immobilier d’entreprise.

Sans compter les innovations qui ne concernent pas spécifiquement l’industrie immobilière, mais qui faciliteront les échanges et le travail collaboratif comme le « versioning », qui nous fait tourner en bourrique la veille de la remise d’un appel d’offres. C’est ce cumul de facteurs qui, aujourd’hui, encourage chacun à mettre le nez à la fenêtre, à vouloir « en être » et à voir et faire les choses autrement. Depuis 2008, sur le plan psychologique, nous sommes en plein psychodrame et rien ne nous a été épargné, pas même une forme de dépression mentale collective. C’est sans doute un moment charnière, dont les acteurs clefs et les causes profondes seront identifiées et analysées dans les manuels. Alors oui, je crois sincèrement que l’industrie immobilière est en pleine effervescence et déjà certains, parmi nous, parlent moins et se sont retirés dans leur laboratoire où ils testent de nouvelles façons de faire et recensent des idées. Pour conclure et vous distraire de votre quotidien, je vous livre, ci-dessous, une liste de sites ou d’initiatives qui annoncent ce changement et qui marqueront durablement notre paysage.

Pour changer

•  We Work : pour imaginer et travailler autrement. À long terme, nos bureaux et nos habitudes de travail évolueront dans cette direction (www.wework.com).

•  VTS : pour les pros de l’asset management et du conseil. Des outils collaboratifs et aussi de véritables tableaux de bord qui offrent, si vous êtes à New York, un espace de travail opérationnel (www.vts.com).

•  Hightower : pour les brokers. Pour être informé et offrir de bons conseils aux preneurs, aux agents et aux bailleurs (www.gethihgtower.com).

•  Honest Buildings : Pour les asset managers (www.honestbuildings.com).

Laurent Lehmann