CHOSES VUES ET ENTENDUES AU MIPIM 2016

Le Marché international des professionnels de l’immobilier (Mipim), qui se tenait à Cannes, mi-mars, a accueilli 23 000 visiteurs et hébergé plus de 100 conférences. C’est un rendez-vous annuel unique où les professionnels prennent le temps de découvrir les meilleures pratiques du secteur et d’échanger, apprendre et, bien sûr, faire quelques affaires. Quelques observations et réflexions du carnet de voyage de Laurent Lehmann.

Article original publié par la revue Office et Culture n°40 - Juin 2016


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Opportunités

À mesure que l’envie de comprendre progresse et que les projets professionnels se matérialisent, un salon permet, a minima, comme en laboratoire, de tester ses idées, sa notoriété, son niveau d’assertion et, en un mot, sa légitimité. Ce n’est pas sans importance pour le parcours de chacun. C’est même une expérience très concrète : au Mipim, vous êtes face à des décideurs réunis dans un espace réduit et qui vous octroient le droit de les interrompre et de les distraire en créant un désordre insolite dans leur agenda à l’habitude planifié et organisé. À vous de jouer avec intrépidité, à condition toutefois d’avoir une proposition qui s’expose et séduise en quelques instants. Le Mipim de cette année ne manquait pas d’audacieux qui portaient un deal, une création (startup), un argument original.

En 2016, 6 000 investisseurs, 4 200 promoteurs, 3 300 firmes de business services avaient envoyé des délégués à Cannes. Selon l’étude mondiale Great Wall of money, publiée par C&W, les professionnels de l’investis- sement sont intervenus dans 443 milliards de dollars de deals, en 2015.

English

Le Mipim est une manifestation véritablement internationale. Comprendre l’anglais et se faire comprendre, au moins en globish, est donc un must. À défaut, ce handicap linguistique vous empêchera de profiter pleinement de l’opportunité professionnelle rare de vous confronter, durant quatre jours, à des cultures différentes de la vôtre. Expérience plus enrichissante que la lecture du FT ou du Nouvel économiste ! Certes, il n’est pas toujours évident de se frayer un chemin dans un groupe d’Anglais, armés de bière et qui semblent, de leur côté, ne pas vous attendre, c’est même intimidant, mais, là aussi, vous testerez votre caractère.

Selon l’annuaire du Mipim, les Européens représentent le contingent le plus important avec 17 000 participants (Anglais 5 500, Français 5 800). L’Amérique du Nord avait envoyé 580 délégués et la Chine 17 (visiteurs et  exposants).

Créativité

On sent bien que l’innovation est partout à l’ordre du jour. Ceux qui n’en sont pas persuadés auraient dû jeter un coup d’œil au riche programme des conférences et des débats. D’un côté une prime à la création et aux projets, avec concours et jurys, à l’image de ce qui se pratique beaucoup dans l’univers technologique. De l’autre, des entreprises établies qui cherchent à se saisir de la parole, à faire de l’innovation un axe de développement et à le faire savoir au marché.

Sur les huit thématiques proposées, deux étaient centrées sur l’innovation et une sur la révolution digitale. Aaron Block, fondateur de Metaprop NYC, qui animait le panel de la startup competition, évoquait pourtant l’insuffisance structurelle des investissements de R&D dans le secteur de la REtech.

Architecture

Les projets, les objets et les immeubles les plus aboutis sont présentés et soulignent le dynamisme de l’industrie immobilière. Les maquettes exposées apparaissent souvent un peu irréelles et on se demande même si l’on n’est pas en immersion au sein de Sim City. Les plus spectaculaires sont les villes qui, comme Londres et surtout, cette année, Istanbul et Dubaï, ont réalisé des maquettes de très grande dimension, à l’échelle de la cité. Leur souci du détail et leur réalisme inspire le respect et la surprise tant ces villes champignons impressionnent.

Les traditionnels Mipim Awards ont récompensé des projets représentant la diversité des situations et des usages et sont assurément un bon indicateur de ce qui plaît. Plus originaux, les premiers projets de tours avec des structures en bois étaient aussi présentés (Hypérion à Bordeaux).

Numérique

Le numérique progresse au sein de l’économie immobilière, mais comment cela se traduit-il ? Comment le visualise-t-on ? Les signes de cet engouement sont sur les écrans qui, avec ou sans lunettes 3D, proposent des expériences à vous donner le tournis. C’est, aussi, en lisant attentivement les cartes de visite que l’on réalise que la digitalisation est partout dans l’entreprise : les titres et fonctions évoluent, les chief digital officers sont de plus en plus fréquents, tout comme les directeurs de la stratégie et du développement. Autant de signes pour se démarquer et mieux accompagner sa croissance.

Les start-ups étaient très courtisées par les agences de promotion économique de tous les territoires présents, pays baltes compris.

Soft power

L’immobilier est un marché qui prend en compte les évolutions démographiques et les besoins économiques pour héberger loisirs et activités et loger les populations. Chaque pays a ses références urbaines, dont l’échelle ne se compare pas évidemment à celles des villes-monde. Parfois cela prend des allures exotiques, mais cela nous rappelle que l’immobilier demeure un marché illimité qui impressionne par son dynamisme et sa diversité. Le soft power, c’est aussi une autre façon, pour les nations, de se faire connaître et de produire du concret en passant sous le radar de la critique et des médias. C’est un terrain de jeu particulièrement prisé des pays émergents et des économies en transition.

La Turquie, profitant du stand laissé vacant par la Fédération de Russie, faisait une démonstration de force, pour nous faire oublier l’image médiatique discutable d’un pays dont la capitale économique compte 14 millions d’habitants.

Chine et Amérique

Ah ça, c’est curieux ! Pourquoi les deux premiers marchés immobiliers mondiaux en volume ne sont-ils pas plus présents ? Le Mipim est asymétrique ; il reste plutôt eurocentré et le marché international proposé n’est pas représentatif des forces du monde tel qu’il se bâtit. Cela laisse une belle marge de développement pour les années à venir.

L’agglomération de Chongqing, dans le sud-ouestde la Chine,  compte 31 millions d’habitants. Le groupe Wanda, géant mondial chinois, qui était présent cette année, gère 48 milliards de dollars d’actifs.

Information, médias et réseaux

Il y a probablement plus de téraoctets d’information sur l’immobilier à glaner à Cannes, en quatre jours, que n’importe où ailleurs au monde. Mais que faire de toute cette information ? Comment la valoriser ? Pour l’heure, Twitter semble dominer les canaux d’information ; l’instantanéité et la possibilité de lier un fichier, une photo ou, encore mieux, une vidéo démultiplie la communication.

490 journalistes et 180 conférenciers relaient l’information. Durant la période du salon @Mipimworld, a émis 340 tweets, avec des pics d’émission vers midi (source tweetchup). Mais surveillez les vidéos, car c’est désormais le « mainstream » pour communiquer. Cette année, 16 000 vues pour la vidéo officielle, très loin du record de Stockholm au MIPIM 2012(3,5 millions de  vues).

Jeunesse, Y etZ

Pour que le Mipim reflète au mieux la profession, on aimerait qu’il y ait plus d’initiatives vers les juniors et qu’ils soient plus présents, même qu’il s’agit d’une cible à faible contribution. Le MIPIM, village commercial qui s’installe pour quelques jours, représente une occasion unique pour écouter les jeunes et les attirer vers nos métiers.

Environ 50 étudiants d’universités étrangères étaient présents.

Et le coût ?

Si vous ne vous êtes jamais posé la question, sachez qu’un budget moyen pour une personne est, au minimum de 3 000 € HT, dont 1 750 € pour le seul droit d’entrée, un investissement non négligeable. Les filiales des grands groupes se voient refacturer par leur maison mère jusqu’à 6 000 € (frais de publicité et de promotion en sus) par participant ; cela situe la qualité des congressistes et explique pourquoi les invitations ne sont pas légion. Les exposants et leurs collaborateurs ont donc pleine conscience de la valeur de l’événement, même si valoriser les retombées et justifier le ROI reste un véritable casse-tête pour les directions marketing.

La France comptait 490 délégués représentant des institutions publiques, l’Allemagne 190, l’Angleterre 300.

Laurent Lehmann