MIPIM 2016 : INNOVATION LA STAR DE CANNES

Rituel


Le Mipim à Cannes. Chaque année, le rituel prend sa place avec l’attente et l’envie de faire basculer nos projets ou de simplement les stimuler. Chaque année, nous revenons avec la tête agitée d’envies, de possibilités ; pourtant on le sait, invariablement, le temps filtrera l’excitation. Cet opus a été la confirmation que quelque chose a basculé. Le mot innovation est bien sûr sur toutes les lèvres, et nous nous épargnerons les autres mots valises qui, à force de répétitions, sont devenus des béquilles.

Article original publié par la revue Innovation et Immobilier, article disponible en ligne en suivant ce lien.

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Mais de quelles innovations parlons-nous ?

Réinventer Paris n’est plus une actualité et pourtant si, c’est maintenant que les esprits reposés de l’effort et en partie récompensés réalisent la percée intelligente que cela a permis. Les mots les plus souvent utilisés font échos aux méthodes de travail qui ont évolué. La commande publique, qui a laissé carte blanche et qui attendait d’être surprise, les équipes projets, de façon horizontale, qui ont partagé leurs innovations. C’est un grand champ expérimental, un catalogue des possibles mis à jour ; c’est tout l’intérêt de la méthode de partage des secrets, des innovations, on voit que la difficulté est ailleurs, elle sera dans la réalisation et dans le financement. Les idées ne valent-elles rien alors ? Tous ceux qui voyagent, observent, lisent, cherchent, sont-ils des périphéries, des contingences pour chacun des projets ? Non, bien entendu, ils ont la plupart du temps été au cœur du processus, mais ce sont bien les premiers coups de pioches qui permettront de savoir ce qui restera de l’envie de changement qui a soufflé sur toute la profession. Longtemps ils s’en souviendront et cela marque déjà leur organisation interne et leur communication.

Great Paris

La région parisienne, dans un espace rétréci cette année, a ainsi gagné en intensité. C’est une vision presque prémonitoire que nous offre ce salon, celui d’une gouvernance unique pour l’ensemble métropolitain un peu comme si demain, depuis une application, nous pouvions avoir accès à tous les projets. Aujourd’hui, on connaît la réalité du développement économique très émietté, partagé entre beaucoup d’acteurs. Cette simplification, cet accès direct et facile bien mis en valeur que proposait la région parisienne, préfigure nettement l’avenir et la façon de mettre en œuvre avec un guichet unique le développement en région. Aucune appropriation, mais plutôt un lieu unique où chacun est en compétition intelligente.

Les immeubles transgenres

Si la génération Z ne semble même plus accepter la contrainte de son propre genre sexué – voir l’article de Gaspard Koenig dans Les Échos du 16 mars 2016 « L’Unef contre la génération Z » –, que dire de tous ces immeubles qui, non construits, nous promettent de ne plus appartenir à un genre ? Bureaux ? Logements ? Non merci, je suis tout à la fois, et bien malin qui saura désormais analyser le sous jacent. En un sens, c’est nouveau, de même que le mot mixité est devenu un gros mot frappé d’homophonie, désormais il est plus juste de parler de porosité ou d’immeubles multipliant les usages, voire qui se transforment. Les esprits avisés rappelleront que l’immeuble haussmannien était déjà réversible. Bon nombre de nos belles réalisations parisiennes étaient programmées pour un usage commercial, hôtelier ou bureau (l’agence n°1 de la Société générale boulevard Haussmann, le siège d’Air Liquide quai d’Orsay, La Poste du Louvre…). C’est ce qui frappe le plus lors de ce Mipim, et si ce n’est pas une spécificité française, la contrainte du foncier, le rapport à la ville dense, en sont les clés de compréhension. Partout ailleurs où le territoire semble extensible en hauteur ou en périphérie, cette question des usages est moins prégnante, on ne relève pas le même basculement du côté de Londres. Et si c’était une révolution ? Certainement oui, cultivée à l’échelle des 22 immeubles du concours Réinventer Paris.

Forum de l’innovation

Depuis deux ans, un pavillon de l’innovation est proposé, Innovation Forum, qui porte assez mal ses couleurs. Si celui-ci est en partie vide et excentré, il abritait pourtant des sociétés proposant de réelles créations, telle Facility Lockers qui préfigure un réseau de micro dépôts pour accompagner l’e-commerce. Enfin, le Mipim a intégré dans son programme de conférences des concours de start-up pour la troisième année. BNPRE, représentée par Laurent Pavillon, a remis le prix aux finalistes. La sélection finale était la suivante :

Un mixe d’applications pour faciliter les usages quotidiens, comme accéder à une place de parking, simplifier la supply chain, ou bien créer un portail pour permettre une meilleure sélection d’asset managers selon son profil de risque…

Immeubles

Parmi les nouveautés et les innovations strictement immobilières, on observera le virage vers le résidentiel de Canary Wharf à Londres. La pré-commercialisation de son immeuble One Park Drive, dessiné par Herzog & de Meuron, confirme ainsi son recentrage vers le résidentiel et soulage sa dépendance au secteur financier. Le succès commercial du 10 Park Drive a été une incitation à programmer plus grand et plus innovant.

En excluant les lauréats et les projets en sélection de Réinventer Paris, déjà abondamment commentés (Business Immo, mars 2016), on se concentrera sur Opalia, un immeuble en structure bois de 6 000 m² construit à Ivry par Bedier Est Invest (Buelens) maître d’ouvrage. Ce ne sera pas le dernier, d’autres grands projets se préparent, mais avec cette dimension cela reste précurseur.

Géographie, histoire turque

Pour s’en tenir à la stricte logique des volumes d’investissement régionaux, on devrait découvrir la puissance du marché américain, les marchés asiatiques puis enfin européens. Eh bien non ! Cette année encore, les Américains sont discrets (même si leur poids réel est derrière bon nombre de structures présentes, à commencer par les conseils), et les plus visibles étaient… les Turques. Ce n’est pas du soft Power, car on sait que cette jeune économie est portée par une forte poussée démographique et, quelle que soit l’actualité, l’immobilier à Istanbul est une nécessité. C’est une vision instructive de la situation géopolitique, on en parle moins, et un visiteur du Mipim qui n’écouterait pas la radio se tournerait prioritairement vers le Bosphore…

Conférences

Le programme des conférences est toujours instructif car il est le poste avancé, la texture de ce grand média qu’est un salon professionnel. Pas d’innovation à proprement parler, mais un motto très fort qui cette année frappe les esprits « Housing the World » ; c’est une façon forte d’interpeler sur la croissance urbaine dont se nourrit le marché immobilier. « Tech and real estate the new Oil ? » mais aussi 32 conférences sous le label innovation et 12 uniquement sur les technologies, cela montre combien, dans un paysage d’environ 130 conférences, le sujet a pris de l’ampleur.

Un salon est-il le lieu de l’innovation ?

Si on cultive le paradoxe, il n’y a rien de bien digital dans un salon et pourtant, c’est tout l’intérêt de ce média. Cela demeure un moment extrêmement fort de rassemblement qui facilite l’attrait que nous ressentons tous pour la communication non verbale. Un geste, un regard, une attitude, en disent long sur nos interlocuteurs. La confiance s’installe ainsi et c’est très rassurant, les innovations sont proches et utiles, mais la relation humaine continue de se construire avec une présence.

Laurent Lehmann